PARTIE II -
L'autre exemple, c'est la Bolivie.
Pour la première fois en cinq cents ans, elle a un président élu démocratiquement qui est issu de l'ethnie majoritaire indienne.
C'est le réveil des populations indiennes, qui étaient traitées comme des animaux, d'abord par les Espagnols, qui les ont réduits en esclavage, puis par les entreprises minières, pétrolières et gazières.
L'élection d'Evo Morales par la majorité indienne marque la prise de conscience de cette dernière, et lui a permis, entre le 1er mai 2006 et le 1er mai 2008, de rétablir la "souveraineté énergétique" du pays, en nationalisant partiellement l'industrie minière et de l'énergie et en transformant les sociétés qui exploitaient les champs de pétrole en sociétés de services.
Le fait que le Brésil de Lula da Silva ait immédiatement affirmé que le décret établissant la souveraineté énergétique de la Bolivie était 'juste' a permis à Morales de survivre.
Du coup, La Paz a pu utiliser la manne pétrolière pour des programmes sociaux, de réduction de la pauvreté, de l'analphabétisme, de la dette extérieure.
Comment interprétez-vous la crise financière que nous vivons ?
Je crois qu'elle constitue une formidable occasion de dénoncer et rejeter cette barbarie marchande qui gouverne le monde, cette idéologie de la privatisation, cette main invisible qui, comme par hasard, attribue tous les droits et toutes les richesses aux pays occidentaux et tous les malheurs aux pays du Sud.
L'Occident et son idéologie dominante, l'obscurantisme libéral, ont été totalement démasqués.
L'idée que le marché est l'instance suprême de l'Histoire, alors qu'il n'est que le lieu où l'avidité et l'instinct de pouvoir de quelques individus s'exerce dans un champ sans aucune règle, ne pouvait que mener à cette catastrophe, qui va être terrible en Occident.
Car ceux qui vont payer le prix de la crise, ce sont les retraités, les pauvres, les classes moyennes, qui vont voir le recul des dépenses sociales et des investissements publics.
Les plans de sauvetage des banques occidentales sont choquants.
En septembre 2000, les leaders de 192 Etats membres de l'ONU ont dressé l'inventaire des conflits et des problèmes non résolus qui affligent la planète.
L'ONU a estimé que pour parvenir à les régler d'ici à 2015, il fallait 82 milliards de dollars par an sur cinq ans.
C'est un dixième du plan Paulson de sauvetage de la finance américaine.
La crise financière va avoir des conséquences aussi pour les pays du tiers-monde, qui dépendent de l'aide étrangère.
Au Darfour, par exemple, la réduction des contributions volontaires des Etats au Programme alimentaire mondial -ce qui a fait baisser le nombre de calories contenues dans les rations alimentaires distribuées aux populations réfugiées et déplacées à 1 400 calories, contre les 2 200 recommandées par l'Organisation mondiale de la santé-.
La révélation au grand jour de la tout puissance des oligarchies du capital financier spéculatif va également réveiller en Occident la conscience de la solidarité avec les peuples du Sud, et mener à un dialogue avec eux.
Il faut que l'Occident et le Sud dialoguent de nouveau car l'affrontement Nord-Sud paralyse les institutions internationales et le dialogue international.
Il faut réconcilier les mémoires.
Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, l'a compris.
Il a convoqué en avril 2009 une nouvelle conférence contre le racisme et les discriminations baptisée Durban II.
Elle se déroulera à Genève et sera présidée par la nouvelle haut-commissaire aux droits de l'homme, l'avocate antiapartheid Navi Pillay, une Tamoule de Durban.
Il faut espérer que Durban II arrivera à réconcilier les mémoires et que les Occidentaux accepteront la repentance.
* La Haine de l'Occident, Albin Michel, 2008.
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