Dans les écoles de journalisme et la plupart des rédactions de la presse généraliste, une technique d’écriture est prescrite pour attirer le lecteur ou l’auditeur : il s’agit de la « loi du mort-kilomètre ».
Une autre règle, non formulée explicitement et tout autant cynique, vient contredire cet usage : on pourrait la qualifier de « loi du mort occidental ». Vu de Paris, Londres ou Washington, la mort brutale d’un Européen ou d’un Américain dans le monde sera toujours plus fructueuse à couvrir -aux yeux des responsables de l’information- que celle de dizaines de non-Occidentaux.
« L’attentat » survenu hier à Boston illustre tristement cette pratique. Les chaînes d’information françaises ont réalisé des « éditions spéciales » afin d’en dramatiser le récit journalistique.
Les chiffres, les faits
En 2008, l’Université de Maryland et un centre dénommé « le Consortium national de recherche sur le terrorisme » (lié au gouvernement américain) ont réalisé un travail colossal : donner à voir, sur Internet, l’ensemble des données relatives aux « incidents terroristes » survenus dans le monde depuis 1970. Le terrorisme est ici défini comme « l’usage illégal de la force et de la violence par un acteur non-étatique afin d’atteindre un but politique, économique, religieux ou social ».
Un site interactif permet ainsi de consulter des graphiques, affinés selon le pays visé ou le type d’attaque utilisée (bombe, assassinat politique, kidnapping). La base couvre, à ce jour, la période allant jusqu’à 2011, soit une quarantaine d’années d’actes terroristes référencés.
On peut ainsi apprendre que les Etats-Unis sont le 16ème pays le plus impacté sur son sol par le terrorisme (2347 « incidents »), loin derrière la Colombie (7180), l’Irak (6475) et l’Inde (6114).
Si l’on se réfère à la « nationalité » visée par les terroristes, les Américains sont davantage ciblés (6ème de la liste, 4960 « incidents ») mais viennent encore après les Colombiens, Irakiens, Indiens, Péruviens et Salvadoriens.
En prenant en compte le nombre de victimes (morts et blessés), la place des Américains chute notablement dans la liste.
Si l’on compare le nombre respectif d’incidents (sur 17622 au total) depuis 1970 entre trois pays (Etats-Unis, Colombie, Irak), le graphique suivant est éloquent.
Inutile d’effectuer une comptabilité précise et macabre.
En affinant simplement la recherche, on obtient, par exemple, ce graphique pour la courbe du nombre de morts (de 1 à plus de 101 « fatalities » par attentat) du terrorisme en Irak (sur 7807 actes terroristes depuis 1970).
Même recherche pour la Colombie, à partir de 7453 attentats recensés.
Voici ce que l’on peut constater en appliquant le même filtre (courbe du nombre de morts -de 1 à plus de 101- lors d’actes terroristes) pour les 2362 incidents survenus aux Etats-Unis.
En décembre 2012, Max Fischer, bloggeur au Washington Post, soulignait déjà -en s’appuyant sur un rapport annuel produit, celui-ci, par l’Institut pour l’économie et la paix- que l’Irak était le premier pays impacté par le terrorisme tandis que les Etats-Unis étaient l’un des moins touchés. Moins de 3% des attaques commises sur le sol américain entre 2002 et 2011 ont été réalisées par des groupes islamistes.
Il faut sauver la soldate Haïm
Ce mardi, la correspondante d’I Télé et de Canal+ à Washington, Laurence Haïm, a évoqué, avec son style régulièrement partisan, une« Amérique confrontée à la guerre en Afghanistan » (notez le choix du mot « confrontée »),détestée par « une partie du monde au Moyen-Orient » (suivez mon regard) et dont la société aurait connu, depuis le 11-Septembre, une « israélisation » de son fonctionnement.
Peut-être faudrait-il proposer à la journaliste-chantre de l’axe Washington-Tel Aviv de partir en reportage à Bagdad afin de lui faire découvrir ce qu’est « l’irakisation » de la vie quotidienne.