Politique Etrangère Américaine Et OTAN : Le Concept De Guerre Longue
Washington a finalement réalisé, après plusieurs années de guerre en Afghanistan et en Irak, que les US avaient désespérément besoin de troupes étrangères pour tenter de mener à bien leurs ambitions hégémoniques au Moyen Orient et en Asie et que sans elles leurs visions globales - et leurs illusions - ne pouvaient se réaliser.
Ces "visions" se basent sur un concept, celui dite de "Guerre Longue" contre des ennemis et "terroristes" vaguement définis, situés aux quatre coins de la planète, et ce pour les décennies à venir.
D'où en février 2006 la publication d'un document intitulé "Quadrennial Defense Review" - doc pdf anglais en pièce jointe - qui met notamment l'accent sur l'implication de l'OTAN et la mobilisation de troupes étrangères " pour partager les risques et les responsabilités des défis complexes d'aujourd'hui". Ci dessous quelques extraits de ce rapport pour donner une idée de ce qu'il implique ce concept de "Guerre Longue".
Dans son introduction, le rapport stipule que
" Cette guerre nécessite que l'armée US adopte des approches non conventionnelles et indirectes.
Actuellement les champs de bataille d' Irak et en Afghanistan sont cruciaux mais le combat s'étend bien au delà de leurs frontières. Avec leurs alliés et partenaires, les US doivent être prêts à mener une guerre dans de nombreux endroits simultanément et pour plusieurs années à venir."
Concernant plus précisément la "Guerre Longue" notamment en Afghanistan, dans un chapitre intitulé " fighting the long war " combattre la guerre longue, on peut lire dans le rapport que :
" Cette guerre ne sera pas comme la guerre contre l'Irak il y a une décennie, avec une libération décisive de territoire et une conclusion en douceur. Cela ne ressemblera pas à la guerre aérienne au dessus du Kosovo Notre réponse comprend beaucoup plus que des représailles instantanées et des frappes isolées.
Les Américains ne doivent pas s'attendre à une bataille, mais à une campagne longue, jamais vue jusqu'à présent. Cela pourra inclure des frappes dramatiques, visibles à la TV, et des opérations clandestines, dont le succès pourra rester secret.
Nous assécherons les financements des terroristes, les monteront les uns contre les autres, les pousseront d'un endroit à l'autre, jusqu'à ce qu'ils n'aient plus aucun refuge et aucun repos. "
Sur le partenariat US/OTAN et d'autres alliés, Washington définit la collaboration comme suit :
" Pour faire face aux multiples défis sécuritaires au XXIème siècle, les US doivent constamment lutter pour minimiser leurs propres coûts en terme de vies et de trésorerie, tout en imposant un coût insoutenable à ses ennemis. Les US, l'OTAN, et d'autres alliés et partenaires, peuvent imposer des coûts en agissant et en faisant des investissements qui vont compliquer la prise de décision de l'adversaire ou promouvoir des actions autodestructrices."
... Les US, leurs alliés et partenaires doivent maintenir l'offensive dans le monde entier en trouvant, attaquant et perturbant sans cesse les réseaux terroristes.... Des opérations de longue durée, impliquant l'armée des US, d'autres agences gouvernementales, et des partenaires internationaux seront menées simultanément dans de nombreux pays dans le monde, reposant sur une combinaison d'approches directes (visibles) et indirectes (invisibles).
Alors que dans les premières années de l’Administration Bush les opérations menées l'ont été de façon unilatérale, Washington a finalement changer de cap et cela sera encore plus visible avec l'Administration Obama, certains prédisant que les guerres d'Obama seront plus longues et plus meurtrières que celles de Bush.
Un rapprochement via l'OTAN avec la "Vieille Europe" a été orchestré par Washington et un "consensus stratégique" pour étendre le rôle de l'OTAN y a été décidé, tout en prenant les mesures nécessaires pour se protéger des décisions consensuelles au sein de l' Alliance, qui avaient, comme cela avait été le cas pour la guerre contre l'ex Yougoslavie, freiné les actions des US.
L’unilatéralisme de Washington à l'époque, avait rapidement trouvé ses limites en Afghanistan, et l'énorme pression US exercée sur les Pays Bas pour qu'ils envoient des troupes reflétaient déjà le souci américain de réactiver et d'élargir le système de l'OTAN.
La réintégration de la France dans l'OTAN rentre dans ce cadre là, les US supportant mal de voir le contrôle militaire, et les troupes d'une grande puissance leur échapper.
L'ambitieux agenda de l'US pour l'OTAN a été exposé par Victoria Nuland, ambassadrice US à l'Alliance dans une interview accordée au Financial Times.
Elle y affirmait que les US veulent une "force militaire déployable mondialement" qui mènera des opérations partout - de l'Afrique au Moyen Orient et bien au delà.
Elle comprendra le Japon, et l'Australie de même que les nations de l'OTAN. "C'est un animal totalement différent" pour reprendre son langage, dont le but principal sera déterminé selon les désirs et aventures des US.
L'OTAN doit avoir un " ... déploiement collectif commun sur des distances stratégiques".
Les troupes en Afghanistan sont largement symboliques, un point secondaire alors que la question la plus importante porte sur le futur de l'OTAN selon les calculs américains pour les années à venir.
L'OTAN, au départ une alliance européenne, deviendra maintenant une organisation mondiale.
En particulier, elle utilisera la force dés lors "qu'une action immédiate est nécessaire pour protéger un grand nombre d'êtres humains" même sans autorisation du Conseil de Sécurité des Nations Unies.
L'objectif final étant de supplanter l'ONU et ne lui laisser qu'un rôle d'intervenant humanitaire, comme c'est déjà le cas depuis plusieurs années, la décision finale des opérations d'intervention étant prise à Washington.
L'utilité de renforcer l'OTAN par la réintégration de la France, comme le souhaite Sarkozy -qui obéit aux ordres de Washington en contradiction avec les intérêts de la nation - se fait au détriment de la construction d'une Europe de la Défense, pourtant vantée lors de la campagne présidentielle et juste après par Sarkozy.
Quoiqu'ils disent publiquement, les Américains sont farouchement opposés à cette Europe de la Défense qui échapperait à leur contrôle et surtout les priveraient de soldats servant de supplétifs dans leurs épopées barbares et destructrices.
Surprenant que dans l' "Opposition" personne ne soulève cette question de l'Europe de la Défense?!
Note
Le Figaro du 16/02/09, dans sa rubrique "confidentiel" écrit :
"Sarkozy veut choisir son siège à l'Otan
Le président français exigerait d'être placé à côté du secrétaire général de l'organisation, et non par ordre alphabétique comme c'est l'usage.
Sarkozy veut choisir son siège au sommet de l'Otan
Le prochain sommet de l'Otan, début avril, célébrera le 60e anniversaire de l'organisation. Et, selon l'hebdomadaire allemand Der Spiegel, le président français tient absolument à s'asseoir à côté du secrétaire général, Jaap de Hoop Scheffer, quitte à bousculer la règle en vigueur qui veut que les chefs d'État et de gouvernement soient installés autour de la table par ordre alphabétique.
Un compromis aurait cependant été trouvé :
Sarkozy pourrait s'asseoir à la droite du secrétaire général tant que les caméras de télévision tourneraient dans la salle, puis changer de place après la sortie des journalistes."
Qu'est ce que Sarkozy ne ferait pas pour un strapontin à l'OTAN/US ?
Vendre l'indépendance de la Nation ?!
Actualisation 19/02/09
Sous prétexte d'assurer la sécurité des élections devant avoir lieu en Afghanistan cet été, l'Allemagne, l'Italie ont annoncé l'envoi de troupes supplémentaires, une façon déguisée de répondre aux pressions américaines après l'annonce par Obama - Yes We Can- de l'envoi de 17 000 soldats US supplémentaires.
La Grande Bretagne, quant à elle, propose la création d'une force permanente de l'OTAN composée de 3000 soldats, affectée à la sécurité de la zone Europe élargie aux pays européens non membres de l'UE mais membres de l'OTAN ou en attente de le devenir.
Les Britanniques, meilleurs alliés des US au sein de l'UE sont, semblent-ils, décidés à enterrer la possibilité d'une Europe de la Défense.
Mercredi 18 Février 2009
Mireille Delamarre
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