Cet hiver, coincé entre les montagnes de Kaboul, privé de bases arrières, à la merci d'un soutien logistique aléatoire, menacé d'une insurrection générale, le soldat de base pourra réfléchir avec amertume, et avec une forte probabilité de finir les tripes à l'air, sur ceux qui fabriquent les guerres.
Il aura également le temps de réfléchir au rôle qu'on lui
prépare, s'il en réchappe.
Pour nos dirigeants en effet, les "théâtres d'opérations extérieures", comme ils disent dans le jargon militariste, ne
sont essentiellement là que pour justifier aux yeux des naïfs "citoyens" l'existence même d'une armée.
Ce qu'ils préparent, c'est surtout son utilisation contre ce fameux
"ennemi intérieur" -vous, moi, les humanistes.
Ce n'est pas pour rien que, lors de la manoeuvre militaire criminelle de Carcassonne [5] , le scénario ne mettait pas en scène des montagnes afghanes mais des corridors et des
coursives comme il en existe dans toutes les Cités.
Cette orientation stratégique est l'aboutissement monstrueux et imbécile de l'idéologie sécuritaire, qui est à la liberté ce que la nuit est au jour, qui transforme l'humain en sac de trouille. Cette évolution, que nous avons mise en lumière à plusieurs reprises dans ces mêmes colonnes,est maintenant confirmée par des militaires du plus haut rang. Ainsi at- on pu lire dans Le Canard Enchaîné [6]
: "L'envoi de troupes supplémentaires en Afghanistan n'est pas le seul
point de désaccord du patron des armées,
le général Georgelin avec le petit chef de guerre Sarko. Le 6 juin dernier, dix jours avant la publication du Livre Blanc sur la Défense, ce général s'est permis d'évoquer "sa préoccupation de soldat".
Devant un auditoire choisi, réuni à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, il a tenu des propos qui n'ont pas eu le retentissement qu'ils méritaient.
Dans ce Livre Blanc, sorte de bible pour l'avenir des armées, il décelait une certaine tendance à un "mélange des genres", voulu par le Président, lequel veut instaurer à toute force une coopération entre civils et militaires dans l'Hexagone.
Evoquant "la distinction entre les menaces internes et les menaces
externes, entre la sécurité et la défense", le général Georgelin a
déclaré, avec un certain courage, car cela
n'est pas politiquement correct :
"Je reste convaincu que la confusion de ces deux types
de situations et de logiques est source de plus de risques que d'avantages pour nos institutions".
Se montrant plus précis, il a ajouté :
"Un délinquant, c'est quelqu'un qui a enfreint une loi.
Ce n'est pas un ennemi (..).
L'armée, dans notre pays, a été progressivement déchargée du maintien de l'ordre interne.
Revenir sur ce point (...) ce serait
réintroduire la figure de l'ennemi au coeur de la cité [sic]".
Et d'insister pour que l'on distingue "les rôles du policier
et du soldat".
A l'évidence, le patron de l'Etat-major critique une relative évolution des hommes politiques sur les questions de sécurité "intérieure".
Avec, en tête, les hurlements de certains élus fanatiques, souvent de droite et parfois de gauche, qui réclamaient l'intervention de l'armée lors des "émeutes" de banlieues".
Ici et ailleurs, alors qu'il fallait de la générosité et de la solidarité
les mercantis, pour faire fructifier leurs gains, ont insufflé la peur
d'autrui, ils ont renforcé les frontières, élevé des murs, bâti de
nouvelles prisons et des camps, fomenté des guerres et des massacres de population.
Ils nous ont enfermés dans une régression idéologique qui, de
la promotion du créationnisme -en vigueur chez les intégristes religieux chrétiens, islamiques et autres- au tout sécuritaire, en passant par les replis identitaires, est la négation même des valeurs humanistes.
Ce faisant, ils conduisent l'humanité dans une impasse.
Mais, les valeurs de liberté, de solidarité, d'humanité, d'universalisme n'attendent qu'un réveil des populations pour se raviver.
Pour nous, elles doivent s'inscrire, elles ne peuvent que s'inscrire dans une démarche révolutionnaire
qui abolisse le capitalisme et l'Etat.
C'est cette perspective qui nous anime et à laquelle nous appelons tous et chacun à se joindre.
Peter
[1] Cité par Marianne
[2] Munie de tous ses boutons de guêtre, l'armée française prit une raclée
historique dès le début du conflit.
[3] Isnard, Le Monde, 21 12 2001, "Afghanistan, du cavalier au prédator".
[4] Un magazine peopolesque vient de faire sa couverture, photo style
romantico-bling bling à l'appui sous le titre : "Jean Sarkosy : Personne
ne me manipule". Il aurait pu ajouter "Jean Sarkosy : Je me suis fait
moi-même" personne n'étant assez impertinent pour écrire "Patriote mais de
loin".
[5] Lire Week end à Carcassonne -
[6] Canard Enchaîné du 23 juillet 2008.
LIEN SOURCE :
http://www.cntaittoulouse.lautre.net/article.php3?id_article=250&lang=fr